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« Je pense qu’inconsciemment, quand Pierre-Alexis [Dumas] a pensé à vous pour écrire ce livre sur le 24 Faubourg, c’est parce qu’il ne voulait pas de livre sur le 24 Faubourg. » Voilà ce que s’entend dire l’auteur et journaliste Frédéric Laffont, en poussant la porte du siège historique d’Hermès, située au numéro 24 de la rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris. La phrase sort de la bouche de Menehould de Bazelaire, gardienne du patrimoine de la maison, désignée par son seul prénom dans l’ouvrage, comme l’ensemble des protagonistes, des patrons aux ouvriers.
Frédéric Laffont, qui avait déjà consacré en 2011 un documentaire à la marque de luxe dont le capital demeure à majorité familiale (une rareté), a pourtant bien été invité par Pierre-Alexis Dumas, directeur artistique en chef, à s’imprégner des lieux, investis dès 1880. Cela, afin d’essayer de capter ce mystérieux « esprit de la maison », savant dosage de tradition, d’érudition et de joie de vivre.
Le résultat ne ressemble en effet en rien aux sommes habituelles et complaisantes que l’industrie du luxe imprime à tour de bras, beaux livres qui finissent souvent par prendre la poussière sur des tables en marbre. Au 24 Faubourg-Saint-Honoré, édité par l’Iconoclaste, s’avance plutôt comme un récit chronologique de 270 pages, tendre, découpé en chapitres lyriques appelés « chants » et accompagné de quelques photos prises parmi les 21 266 objets et documents historiques de tous types conservés dans le « musée » d’Emile Hermès (une collection privée que seuls visitent les invités).
Drôle de famille que les Hermès ! Faisant d’eux un sujet d’étude exotique, Frédéric Laffont choisit de les dépeindre comme une « tribu », avec ses rites et ses mythes. Ses coutumes sont de-ci de-là mises en parallèle avec celles d’autres ethnies, des Kunas du Panama aux Zoulous d’Afrique du Sud, des Aborigènes d’Australie aux Baruyas de Papouasie-Nouvelle-Guinée. Le 24 Faubourg ? L’équivalent du « village des Schtroumpfs », glisse aussi drôlement à l’autrice Pascale Mussard, personnalité de la mode, membre de la famille.
Quand bien même le livre rappelle les signatures Hermès – la fermeture à glissière, les clins d’œil équestres, le cousu sellier et ses quatorze points espacés de 2,707 centimètres, les carrés de soie lancés en 1937 –, c’est avant tout la poésie des habitants de la maison qui fascine. Tous ont l’étoffe de personnages. Dans l’immeuble toujours trop étroit du 24 Faubourg, le lecteur croise ainsi Annie Beaumel, l’étalagiste magicienne ; « Papa Tortilla », un sellier toujours partant pour faire grève ; Frédérick, le maroquinier qui écrivit une lettre en alexandrins au directeur général pour lui signifier son désir de devenir designer ; Jinny, la vendeuse aux saris ; les « Blouse Brothers », deux frères contremaîtres qui ne quittent jamais leur blouse blanche ; ou Yasmina, la jardinière qui veille sur la terrasse en devisant de physique quantique…
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